Vous avez déjà imaginé de pouvoir parler avec n’importe qui, qu’importe la langue et qu’importe l’endroit ? Ça serait vachement cool, hein ? Pour ça, il faudrait déjà savoir, combien de langues existe-t-il. Prenez vos affaires, on part en tour du monde pour savoir ce qui s’y parle!

Combien de langues dans le monde ?

Parler toutes les langues du monde, vraiment ? Pas vraiment vu qu’on considère qu’il existe entre 5000 et 8000 langues actuellement. Selon l’Atlas des langues Ethnologue (Eberhard et al., 2024)1, il existe environ 7000 langues parlées en 2022. L’UNESCO2 parle de 8000 langues, incluant les langues signées dans leur décompte. La question du nombre de langue est donc tout sauf simple car elle implique des problèmes de définition des critères selon lesquelles on considère qu’il s’agit d’une langue ou non. L’explicitation des critères suppose qu’il existe une documentation de la langue, c’est-à-dire une grammaire et un dictionnaire. Toutes les langues sont loin d’être correctement documentées ce qui ajoute de la difficulté à définir le nombre de langues. Pour des soucis de simplicité, on gardera le chiffre de 7000 langues.

Quelles sont les langues les plus parlées ?

Bon, peut-être qu’on ne peut pas parler toutes les langues mais peut-être au moins les plus parlées ! Mais au fait, quelles sont les langues les plus parlées ?

Légende : Graphique en bar des 10 langues les plus parlées en fonction du nombre de locuteurs. 1) Anglais = 1,5 milliards, 2) Chinois mandarin = 1,1 milliard, 3) Hindi = 600 millions, 4) espagnol = 560 millions, 5) Arabe standard = 330 millions, 6) Français = 310 millions, 7) Bengali = 280 millions, 8) Portugais = 263 millions, 9) Russe = 255 millions, 10) Urdu = 237 millions

Légende : Graphique en bar des 10 langues les plus parlées en fonction du nombre de locuteurs. 1) Anglais = 1,5 milliards, 2) Chinois mandarin = 1,1 milliard, 3) Hindi = 600 millions, 4) espagnol = 560 millions, 5) Arabe standard = 330 millions, 6) Français = 310 millions, 7) Bengali = 280 millions, 8) Portugais = 263 millions, 9) Russe = 255 millions, 10) Urdu = 237 millions

Sur ces 7000 langues, 20 sont parlées par presque la moitié de la population mondiale soit 0,3% des langues. Il y a 88% de la population parle 200 langues (3%). Les langues ne sont pas parlées par le même nombre de personnes. Les langues parlées par le plus grand nombre sont (1) l’anglais, (2) le chinois (incluant le mandarin, le wu et le cantonais) et (3) le hindi. Toutefois, si l’on prend comme critère le nombre de locuteurs et locutrices natives, c’est alors le chinois qui est la langue la plus parlée.

Légende : Graphique en bar des 4 langues les plus parlées. Chaque bar indique le nombre de locuteurs natifs (= dont c’est la langue maternelle) et du nombre de locuteur non-natifs. 1) Anglais = 380 millions locuteurs natifs & 1,1 milliard non-natifs, 2) Chinois 940 millions de locuteurs natifs & 200 millions non-natifs, 3) Hindi 345 millions de locuteurs natifs & 264 locuteurs non-natifs, 4) Espagnol 484 locuteurs natifs & 74 millions locuteurs non-natifs.

Où sont parlées toutes ces langues ?

Légende : Carte du monde indiquant les 6 plus grandes familles de langue : en Europe les langues indo-européenes ; en inde et en chine les langues sino-tibétaine ; en chine, asie du sud-est, madagascar alaska USA Chili langues austronésienne ; moyen orient, maghreb, Afrique centrale = langues afro-asiatiques ; afrique centrale, afrique de l’est, de l’ouest et du sud langues niger-congolaises

On classe ces langues par familles de langues c’est-à-dire entre langues apparentées. Il existe une centaines de familles ou groupes linguistiques. Environ 70% des langues appartiennent à 6 familles dont les langues sont parlées par 87% de la population mondiale. Les 6 familles les plus importantes celles des langues nigéro-congolaises, austronésiennes, trans-nouvelle-guinéennes, sino-tibétaines, indo-européennes et afro-asiatiques. Les langues indo-européennes sont celles qui comptent le plus de locuteurs et de locutrices natives et sont parlées sur tous les continent. Ça s’explique par l’expansion des empires coloniaux européens du 15ème au 20ème siècle.

1) Famille Niger-Congolaise 1537 langues, 2) Famille Austronésienne 1225 langues, 3) Famille Trans-guinéenne 476 langues, 4) famille Tino-tibétaine 457 langues, 5) famille Indo-européenne 457 langues, 6) Famille Afro-asiatique 377 langues, 7) autres familles 2646 langues

1) Famille indo-européenne 3,32 milliards de locuteurs, 2) Famille sino-tibétaine 1,43 milliards de locuteurs, 3) Famille afro-asiatique 633 millions de locuteurs, 4) famille niger-congo 612 millions de locuteurs, 5) famille austronésienne 328 millions de locuteurs, 6) famille trans-guinéenne 3 millions de locuteurs, 7) autres familles 1 milliard de locuteurs

Est-ce que ces langues seront toujours parlées à la fin du siècle ?

La diversité des langues est en déclin. L’UNESCO propose une échelle à 4 niveaux pour définir le nombre de langues menacées :

  • Vulnérable : la langue est parlée par les enfants à la maison seulement
  • Définitivement menacée : les enfants ne parlent plus la langue
  • Gravement menacée : la langue est parlée seulement par les anciennes générations
  • En danger critique : la langue est parlée par quelques locuteurs âgés

Légende : Représentation schématique de l’échelle de l’UNESCO : langues non menacées en gris, vulnérables en vert, définitivement menacées en jaune, gravement menacées en orange, en danger critiques d’extinction en rouge et éteintes en noir.

À ce jour, on estime entre 37% et 44% de langues menacées (Bromham et al., 20213; Eberhard et al., 2024). Encore une fois, les écarts s’expliquent par les critères que l’on retient pour définir une langue en danger car, comme l’indique l’échelle de l’UNESCO, il existe plusieurs niveaux de menace de la diversité. On considère généralement qu’une langue est en danger lorsqu’elle n’est plus parlée par les nouvelles générations. On compte 13% de langues éteintes actuellement (Bromham et al., 2021). L’estimation de la perte de diversité des langues d’ici la fin du 21ème siècle est assez compliquée, selon les sources on avance une proportion allant de 36% à 90% (Bromham et al., 2021; Krauss, 19924).

Il est assez difficile d’estimer le nombre de langues qui seront éteintes à la fin du siècle étant donné la grande complexité de modéliser ce phénomène grâce à des prédictions statistiques. Le déclin de la diversité linguistique dépend de multiples facteurs comme le contexte géopolitique, le changement climatique ou les politiques d’éducation par exemple. Ça nécessite donc d’intégrer dans un seul modèle des facteurs linguistiques, sociaux et géographiques qui sont parfois seulement des facteurs indirects. Un tel modèle avec tant de facteurs sera fortement susceptible de sous-estimer un facteur, en surestimer un autre ou encore ne pas les prendre en compte. En plus, l’évolution n’est pas linéaire, on ne va pas perdre X langues par jours, semaines ou mois. Ce qui rend le phénomène encore plus complexe à prédire.

Légende : (a) & (b) Cartes du monde représentant les langues qui seront en danger d’ici 40 ans : on voit quelques points rouges en Amérique du nord, au chili et en Lybie; (c) Carte du monde représentant les langues qui seront éteintes d’ici 40 ans : un grand nombre de points rouge sur le continent américain, australien, en Afrique (Maghreb et Afrique de l’est) et à l’est de la Russie. Source : Bromham et al., 2021.

Il faut rappeler ici que la disparition d’une langue implique la disparition, d’une culture, d’une identité, d’un peuple. On sait que leur disparition est liée à des facteurs bien identifiés. Par exemple la colonisation, les guerres et les génocides qui font disparaitre des cultures et des identités pour imposer une culture et une identité dominante. On sait aussi que la famine, les catastrophes naturelles, sanitaires et le changement climatique participent au déclin des populations et par extension de la diversité linguistique. On sait aussi que les politiques culturelles, éducatives et sociales peuvent jouer un rôle dans le déclin de la diversité des langues. On peut par exemple penser au Breton (entre autres langues bien sûr!) classé comme langue sérieusement menacée après un fort déclin du nombre de locuteurs au 20ème s. en raison des politiques de la 3ème république visant à lutter contre l’utilisation de la langue Bretonne.

Est-ce qu’on peut y faire quelque chose ?

On peut y faire quelque chose ? Il y a des projets de revitalisation linguistique consistant à mettre en place de politiques culturelles ou éducatives pour que les jeunes générations pratiquent ces langues à la maison, à l’école ou dans les médias. Par exemple, l’Hébreu était une langue éteinte entre le 2ème et le 20ème siècle avant de devenir la langue officielle d’Israël sous l’impulsion du projet sioniste. L’hébreu n’avait pas totalement disparu étant donné qu’elle existait dans des textes religieux. En revanche, elle n’était pas parlée hors du cadre religieux. Elle n’était donc pas enseignée à des enfants et ne pouvait ne transmettre de génération en génération.

Ces projets impliquent la coopération entre différents acteurs comme les linguistes, les politiques, les profs etc. Ça demande du financement. C’est, par exemple, le but du projet de l’UNESCO de la décennie des langues indigènes. Ces projets nécessitent surtout que les langues soient suffisamment documentées, sans quoi il est difficile de revitaliser la langue.

Malheureusement, parler toutes les langues n’est pas possible, il y en a trop. Par contre, parlez les langues qui vous plaisent et vous tiennent à cœur parce que vous n’allez pas seulement les parler, vous allez aussi faire vivre les cultures et les identités qui s’y rattachent.

Références

  1. Eberhard, D., M., Simons, G. F., & Fennig, C. D. (Éds.). (2024). Ethnologue : Languages of the World (Twenty-seventh edition). Dallas, Texas: SIL International. https://www.ethnologue.com/mham, L., Dinnage, R., Skirgård, H., Ritchie, A., Cardillo, M., Meakins, F., Greenhill, S., & Hua, X. (2021). Global predictors of language endangerment and the future of linguistic diversity. Nature Ecology & Evolution, 6(2), 163‑173. https://doi.org/10.1038/s41559-021-01604-y ↩︎
  2. https://en.wal.unesco.org/discover/languages ↩︎
  3. Bromham, L., Dinnage, R., Skirgård, H., Ritchie, A., Cardillo, M., Meakins, F., Greenhill, S., & Hua, X. (2021). Global predictors of language endangerment and the future of linguistic diversity. Nature Ecology & Evolution, 6(2), 163‑173. https://doi.org/10.1038/s41559-021-01604-y ↩︎
  4. Krauss, M. (1992). The world’s languages in crisis. Language, 68(1), 4–10. https://doi.org/10.1353/lan.1992.0075 ↩︎

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